Posté le: Jeu Juil 04, 2013 11:27 pm Sujet du message: Nana - Émile Zola
Tout le Paris du demi-monde des actrices et des amateurs d'actrices est en émoi : le directeur du Théâtre des Variétés a trouvé une nouvelle égérie, dont le talent est inversement proportionnel au magnétisme de son corps. Nana, héroïne éponyme du roman, est bête, grasse, blonde, futile et sait séduire les hommes. Seule et sans famille ou presque, elle profite d'eux sans vergogne. Eux non plus n'ont pas de scrupules.
Ce roman est complètement fou. Le style des premières pages est admirable, sorte d'impressionnisme du théâtre, avant que Zola prenne son temps pour montrer, avec son naturalisme habituel, la vie d'une "fille" entretenue par plusieurs hommes. On s'engonce un peu dans la moiteur du sexe et de la vie indolente, futile et excessive. Et puis... non. Petit à petit, l'écrivain se laisse gagner par le gigantisme de son personnage. On croit qu'il dépeint une société, mais il en fait plus, toujours plus, chapitre après chapitre. L'antépénultième est un peu outrancier, rendant l'héroïne de plus en plus détestable... mais en fait il prépare sa fin.
Subitement, dans l'avant-dernier chapitre, Zola ne montre plus, il démontre, à coups de marteau :
Citation:
Labordette et Mignon eurent un sourire. Elle n'était plus triste, elle sourit également, car ils ne comptaient pas, ces deux-là, ils pouvaient comprendre. Et tous deux l'admiraient, dans un silence recueilli, tandis qu'elle achevait de boutonner ses gants. Elle demeurait seule debout, au milieu des richesses entassées de son hôtel, avec un peuple d'hommes abattus à ses pieds. Comme ces monstres antiques dont le domaine redouté était couvert d'ossements, elle posait les pieds sur des crânes ; et des catastrophes l'entouraient, la flambée furieuse de Vandeuvres, la mélancolie de Foucarmont perdu dans les mers de la Chine, le désastre de Steiner réduit à vivre en honnête homme, l'imbécillité satisfaite de La Faloise, et le tragique effondrement des Muffat, et le blanc cadavre de Georges, veillé par Philippe, sorti la veille de prison. Son œuvre de ruine et de mort était faite, la mouche envolée de l'ordure des faubourgs, apportant le ferment des pourritures sociales, avait empoisonné ces hommes, rien qu'à se poser sur eux. C'était bien, c'était juste, elle avait vengé son monde, les gueux et les abandonnés. Et tandis que, dans une gloire, son sexe montait et rayonnait sur ses victimes étendues, pareil à un soleil levant qui éclaire un champ de carnage, elle gardait son inconscience de bête superbe, ignorante de sa besogne, bonne fille toujours. Elle restait grosse, elle restait grasse, d'une belle santé, d'une belle gaieté. Tout ça ne comptait plus, son hôtel lui semblait idiot, trop petit, plein de meubles qui la gênaient. Une misère, simplement histoire de commencer. Aussi rêvait-elle quelque chose de mieux ; et elle partit en grande toilette pour embrasser Satin une dernière fois, propre, solide, l'air tout neuf, comme si elle n'avait pas servi.
Le dernier chapitre est encore plus fort, "Michelangesque", a dit Flaubert, d'après la dernière note de l'édition. Là, on est dans le Dostoïevski, dans le Shakespeare : un jeu de la vie et de la mort, quelque chose de noir, grinçant, presque drôle comme le diable. Ça c'est de la littérature. _________________ En cours de lecture : Le Mythe de Sisyphe, d'Albert Camus
Inscrit le: 06 Nov 2013 Messages: 365 Localisation: Argenteuil, Val de l'Oise, Isle de France
Posté le: Dim Mar 01, 2015 11:51 pm Sujet du message:
On n'est pas beaucoup à voter. J'ai mis " A la folie ". C'est vraiment un bon roman. _________________ Livres dévorés en 2016 : 18
Livres dévorés en 2015 : 31
Inscrit le: 30 Juin 2004 Messages: 5671 Localisation: Physiquement : Cergy, France. Mentalement : MIA
Posté le: Mar Juin 16, 2015 2:07 pm Sujet du message:
Bienvenue sur le Coin, mademoiselle80
Je te conseille d'aller te présenter par ici. _________________ Crazy Modératrice et Dictatrice Adjointe Il ne faut pas confondre ce qui est personnel et ce qui est important (Terry Pratchett)
J'ai un blog, et maintenant, j'ai publié un roman
Posté le: Dim Nov 22, 2015 4:57 pm Sujet du message:
Je pense que j'étais trop jeune pour bien comprendre et apprécier ce livre. Je sortais tout juste de "Au bonheur des dames" et voulant découvrir d'autres œuvres de l'auteur, j'ai tenté "Nana". Je ne savais même pas qu'il faisait partie d'une série à ce moment-là.
Je me suis un peu forcée à le finir. Pas que c'était ennuyeux, mais je l'ai trouvé très noir, dérangeant et le tout m'a laissé un souvenir un peu mitigé. _________________ Mille et un mondes
Posté le: Sam Juil 27, 2019 5:45 pm Sujet du message:
Pour moi ce n'est pas mon préféré de la série (car je trouve qu'il ne s'y passe pas grand chose) même si bien sûr j'ai pu y apprécier, comme dans les autres romans de Zola, certaines formulations littéraires
En voici quelques unes que je me suis notées :
Est-ce qu’une femme a besoin de savoir jouer et chanter ?
[…], vrai ! ce serait stupide de se gêner si les prêtres disaient des bêtises.
On est laid, quand on est mort, dit-il d’une voix lente.
Mon chat, dit-elle, quand on ne se venge pas tout de suite dans ces machines-là, on ne se venge jamais.
Si l’on ne cassait rien, les marchands ne vendraient plus.
[…], le caprice d’une femme trop riche pour se laisser embêter.
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