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Posté le: Ven Avr 02, 2021 9:20 pm Sujet du message: Un souvenir nommé Empire - Arkady Martine
Mahit Dzmare a été désignée au débotté pour être l'ambassadrice de la station spatiale Lsel auprès de l'Empire teixcalaanli. Qu'est-il arrivé à Yskandr Aghevar, le précédent ambassadeur ? Mystère, mais un vaisseau de l'Empire est venu demander/exiger un nouvel ambassadeur séance tenante. Pas question de refuser, le rôle d'un ambassadeur étant entre autres d'empêcher ce voisin trop puissant d'avaler tout cru la petite station minière de trente mille habitants à peine.
Normalement, Mahit aurait dû recevoir l'imago d'Yskandr : un implant lui permettant d'accéder aux souvenirs et compétences de son prédécesseur, teinté de sa personnalité, elle-même ayant été choisie en fonction de leur compatibilité. Elle aurait aussi dû avoir le temps d'assimiler celui-ci sans trouble psychologique, adaptation qui prend généralement au moins un an et conduit à une personnalité fusionnelle stable. Hélas, la seule imago disponible est périmée depuis quinze ans - Yskandr n'étant plus revenu sur la station - et les deux courts mois d'adaptation n'ont pas vraiment permis une intégration réussie. Mahit va être seule pour affronter toute la complexité de la Cité, la planète-capitale de l'Empire, et ses intrigues.
Mahit va devoir enquêter sur la disparition de son prédécesseur, tout en trouvant sa place dans le jeu politique continuel des hautes sphères impériales. Elle ne sait pas qui sont ses alliés ou ses ennemis, et ne peut qu'espérer que Trois Posidonie, l'ambitieuse jeune patricienne qu'on lui a assignée comme chargée de liaison, est digne de confiance. Le danger l'entoure de toutes parts. La situation tendue et lourde de secrets s'envenime à grande vitesse dès l'arrivée de la jeune diplomate, qui réalise vite que l'Empire est à la veille d'une crise majeure.
Un souvenir nommé Empire, premier tome d'une trilogie consacré à l'Empire galactique de Teixcalaan, a suscité des controverses depuis sa parution : certains adorent, d'autres détestent, mais il ne semble pas laisser indifférent. De quoi attiser la curiosité.
L'univers est très réussi, à travers moult petits détails. L'autrice s'attarde peu sur les avancées technologiques (le voyage spatial grâce à des portails de saut, les liens-nuages posés sur l'œil qui permettent aux Teixcalaanlitzlim d'accéder à tout ce qui est numérique, la supervision de la Cité par une IA surpuissante...), qui trouvent naturellement leur place dans le décor, ni même sur les inquiétants extra-terrestres aux confins de l'univers. L'accent est mis sur la culture teixcalaanlie, dont le rayonnement est immense : l'Empire, c'est le monde - il occupe effectivement le quart de la galaxie, excusez du peu -, le reste n'est que barbarie, selon ceux qui en font partie. La poésie y est omniprésente. Les concours et jeux oratoires sont légion, et la poésie est même utilisée pour encoder les communications ou faire passer des messages politiques. C'est aussi fascinant qu'impossible à maîtriser dans toutes ses subtilités par un non-natif. Et parfois un peu fatiguant pour le lecteur, aussi, il faut le reconnaître.
L'Empire de Teixcalaan est inspiré de l'ancien Empire aztèque, comme en témoigne les consonnances du vocabulaire spécifique utilisé. Quant aux noms propres, ceux des Teixcalaanlitzlim sont particulièrement exotiques, car systématiquement constitués d'un nombre (supposé associé à certaines qualités) et d'un nom d'objet : l'Empereur s'appelle Six Direction, ses conseillers Dix-Neuf Herminette ou Trente Pied-d'Alouette...
On sent Arkady Martine passionnée par les langues, ainsi en appendice elle indique des détails sur le système d'écriture logo-syllabique teixcalaanli et sa prononciation. L'ambassadrice Mahit insiste souvent sur la nécessité de penser en teixcalaanli pour s'intégrer, et sur la manière dont cela peut influer la pensée.
L'histoire est prenante, avec parfois un rythme un peu lent ou répétitif, mais pas trop. L'intrigue est riche dans l'ensemble avec des surprises malgré certains rebondissements prévisibles ou un peu faciles. Le style est fluide et la lecture très agréable.
Ce sont surtout les personnages que l'on prend plaisir à suivre, car ils sont très intéressants Les relations qu'ils on entre eux sont savoureuses à souhait, et vont évoluer au fur et à mesure que les personnages évoluent eux-mêmes. Ceux qui sont ambivalents font le sel du récit, qui suit le point de vue de Mahit avec tous ses doutes sur son entourage, peinant à clarifier tous les sous-entendus.
J'ai lu des commentaires comparant cet ouvrage à ceux d'Ann Leckie. C'est vrai qu'on en sent l'influence, mais pour ma part j'y ai aussi trouvé un petit goût bienvenu de C.J. Cherryh. On y trouve des intrigues politiques complexes sur un échiquier galactique, des personnages intéressants qui vont se retrouver au cœur des événements, tout ce qu'il faut pour une lecture addictive. Quoi d'étonnant avec ça que ce roman, à l'image de ceux des autrices pré-citées, ait reçu le prestigieux prix Hugo en 2020 ? Pour ma part, j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire et j'ai très envie de découvrir la suite, même si ce tome-ci se suffit à lui-même.
Prix Hugo 2020 + Prix Compton-Crook 2020
Chronique réalisée pour Les Chroniques de l'Imaginaire _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
Posté le: Sam Avr 03, 2021 1:02 am Sujet du message: Re: Un souvenir nommé Empire - Arkady Martine
Merci pour ton avis détaillé.
Soleil* a écrit:
des personnages intéressants
Soleil* a écrit:
j'y ai aussi trouvé un petit goût bienvenu de C.J. Cherryh
Aïe, voila la référence qui me rappelle pourquoi je manipule tes recommandations avec circonspection depuis quelques années. L'intrigue émotionnelle. À mes yeux, Cherryh n'a justement jamais su écrire un personnage. Ses prix Hugo et Locus pour Cyteen récompensaient sans doute la complexité et la richesse de l'univers politique du roman mais ce n'était à mes yeux qu'un décor vain, ne servant aucune destinée attachante, aucun personnage auquel on s'attache et à travers lequel on aime vivre le récit.
Avec le contexte culturel et politique, il semblerait qu'Arkady Martine ait fait un excellent travail de décoratrice. Mais ce décor est il habité ? Sans persos dignes de ce nom, je suis condamnée à des heures d'ennui mortel, façon Trilogie de Mars. La trilogie de Mars a aussi décroché Hugos Nebula et Locus grâce à la qualité de son univers. Et pourtant, là encore, les bouquins me tombaient des mains. Zéro perso qui tienne la route. Dans ce roman ci, tu as trouvé les personnages intéressants mais tu trouves satisfaisants les personnages de pratiquement tout ce que tu lis. Tu peux qualifier de fouillé ou d'attachant les personnages principaux de 'Morsure' ou de 'Kitty et les ondes de minuit' qui sont à mes yeux des collections de poncifs. D'où sans doute ce fameux 80 % de pourcentages de bons livres parmi tes lectures. Il est effectivement probable que 80% des personnages principaux de romans publiés au XX° siècle soient meilleurs que ceux de 'Morsure' ou de 'Kitty et les ondes de minuit'. Ce qui nous ramène à ta mention de Cherryh comme d'une référence et à ton avis positif sur ce roman. La malédiction qui me frappe en tant que lectrice, c'est que je n'ai pas la chance d'avoir, en matière de caractérisation, un seuil de qualité aussi bas que le tien. J'attendrai l'avis de quelqu'un qui a des attentes moins modestes.
PS : avant de répondre, j'ai voulu relire certains de tes anciens avis Chroniques de l'imaginaire mais les liens depuis le Coin étaient brisés. _________________ Tennis de Table Bordeaux
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Posté le: Sam Avr 03, 2021 6:28 pm Sujet du message:
Normalement, les liens des chroniques datant d'après 2017 devraient fonctionner, mais effectivement les précédents sont rompus (le site a été déménagé/réécrit en 2011, réécrit encore en 2017).
Je ne serais effectivement pas étonnée que ce roman ne te plaise pas du tout. Voilà longtemps que nous n'avons plus guère de goûts communs, je pense.
J'attache de l'importance aux personnages, mais j'ai effectivement la chance de trouver sympathique à peu près toute personne saine d'esprit et qui se bouge un peu plutôt que de râler tout le temps, donc je trouve facilement mon bonheur.
Je trouve les intrigues politiques de Cherryh souvent trop complexes pour moi, mais je les lis sans chercher forcément à les suivre, juste en me laissant porter et ça passe très bien. Clair aussi que ce n'est pas dans ses livres que je trouve mes persos préférés. Pourtant, voilà bien longtemps que je n'ai pas relu Cyteen, mais je garde un bon souvenir du duo Justin/Grant. _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
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Posté le: Dim Avr 04, 2021 11:05 pm Sujet du message:
Ca m'a beaucoup plu, des personnages originaux et attachants, une avalanche de rebondissements, beaucoup de second degré et une civilisation intéressante, j'attends le suivant avec impatience.
Pour le coup, la référence à Cherryh (j'ai relu Cyteen l'an dernier) ne me saute pas aux yeux, en revanche, celles aux autrices du XIXème l'a fait. _________________ "Tout est dans tout et réciproquement ."
Je pensais moins à Cyteen qu'à Chanur ou au Paidhi, où les persos sont plus confrontés à des étrangers qui pensent autrement (et aux plans tortueux). ça remonte pour moi aussi, mais il me semble me souvenir d'une scène dans le Paidhi (ou dans sa suite) où le perso principal manque mourir d'empoisonnement et où il ne sait pas si son hôte l'a sauvé ou si ça venait de sa part... ça sonnait affreusement familier. _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
Je pensais moins à Cyteen qu'à Chanur ou au Paidhi, où les persos sont plus confrontés à des étrangers qui pensent autrement (et aux plans tortueux). ça remonte pour moi aussi, mais il me semble me souvenir d'une scène dans le Paidhi (ou dans sa suite) où le perso principal manque mourir d'empoisonnement et où il ne sait pas si son hôte l'a sauvé ou si ça venait de sa part... ça sonnait affreusement familier.
Ok, dans ce cas, la référence chez Cherryh, serait plutôt, pour ma Pomme, la trilogie du Soleil mort où l'on retrouve chez Duncan, le personnage humain, cette volonté forcenée de comprendre la civilisation de l'autre voire de l'intégrer (c'est particulièrement net dans Shon'jir, le deuxième volume). _________________ "Tout est dans tout et réciproquement ."
Oui aussi ;-) C'est un thème récurrent dans son oeuvre. _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
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