Les Quarante-Cinq - Alexandre Dumas

[Outremer]

Les Quarante-Cinq est la suite de La Dame de Monsoreau, qui était lui-même la suite de La Reine Margot. Les liens entre ce roman et le précédent sont suffisamment étroits pour qu'il soit essentiel d'avoir lu La Dame de Monsoreau avant de s'y attaquer.

L'histoire se déroule en 1585, mais Dumas - comme souvent - n'a pas eu trop de scrupule à maltraiter l'Histoire, incluant dans son roman des évènements qui s'étaient déroulés deux ou trois ans auparavant.

Les Quarante-Cinq raconte la guerre larvée qui débute entre le roi Henri III et l'ambitieuse famille de Guise, dirigée par le duc Henri.

...Enfin, ça la raconte d'un certain point de vue : celui de Chicot, ancien fou du roi et ami fidèle d'Henri III, qui met toute son astuce au service de son maître.

...Bien sûr, c'est l'histoire des fameux "quarante-cinq", des gentilshommes gascons amenés à Paris pour servir de garde au corps au roi.

...Enfin, c'est davantage l'histoire de l'un d'entre eux, Ernauton de Carmainges, qui tombe amoureux de la soeur du duc de Guise, laquelle ne se prive pas de le manipuler.

...Puisqu'on parle d'amour, il faut d'ailleurs bien dire que ce roman raconte la passion folle dont le jeune Henri de Joyeuse est saisie pour une mystérieuse inconnue.

...Cette mystérieuse inconnue est Diane de Méridor, la "Dame de Monsoreau", qui médite une terrible vengeance avec l'aide de son serviteur Rémy depuis la fin du livre précédent.

...Il y a un quatrième Henri dont c'est aussi l'histoire, je veux bien sûr parler du futur Henri IV, dont les ambitions commencent à sérieusement poindre.

...Par ailleurs, le frère aîné d'Henri de Joyeuse a été envoyé porter du secours au duc d'Anjou, frère benjamin d'Henri III, qui cherche à mettre la main sur les Flandres, ce qui ne plaît guère à Henri de Guise, qui se méfie presque autant de lui que d'Henri de Navarre.

.....

La manière la plus sûre de décrire le scénario de ce roman serait peut-être de le qualifier de "vaste foutoir sans queue ni tête".

Sérieusement. On pourrait croire que c'est l'addition du travail de quatre ou cinq nègres de Dumas, lequel n'aurait pas pris la peine de les superviser ou de les coordonner. Les fameux "quarante-cinq" n'ont guère qu'une seule occasion de s'illustrer en tant que groupe et sont complètement oubliés lors du dernier tiers du roman. Ernauton, qui apparaissait comme l'un des personnages centraux de l'histoire, est en fin de compte complètement négligé et les éléments scénaristiques qui l'impliquaient sont laissés en suspens, sans aucune résolution. Quant à la lutte de pouvoir, on ne peut pas dire qu'elle fasse des étincelles bien visibles. Etant donné le titre, on pourrait logiquement présumer que le roman incluerait l'assassinat du duc de Guise (historiquement accompli par les "quarante-cinq"), mais ce n'est pas le cas. L'histoire ne va même pas jusqu'à la "journée des barricades", pendant laquelle Henri III est contraint de fuir Paris.

Le seul élément scénaristique qui va trouver une vraie résolution est le projet de vengeance de Diane de Méridor. Considérant que les deux tiers du livre sont déjà écoulés lorsqu'il commence à être développé et que ce projet n'a guère de lien avec les autres éléments de l'histoire, ce n'est guère satisfaisant.

Les personnages promettaient pourtant une histoire palpitante (si on excepte Henri de Joyeuse, tête à claques de haut vol qui tombe désespérément amoureux aussi aisément qu'un individu normal déciderait de manger du poulet pour son souper). Henri III et le futur Henri IV sont décrits de manière intéressante. Chicot est un héros spirituel et distrayant. Ernauton est menacé par un rival mortellement envieux et une femme fatale, qui laissaient tous deux présager bien des péripéties. Les membres des "quarante-cinq" ne pouvaient certes pas tous être développés, mais ils pouvaient constituer un groupe plein de panache et de dynamisme, comme les mousquetaires que Dumas mettait si bien en scène.

Je ne veux pas donner l'impression que c'est une lecture ennuyeuse : il y a bien des passages distrayants. Mais plus on progresse dans l'histoire, plus le caractère décousu et incomplet de cette histoire se fait frustrant. Les passages où Dumas (ou plus probablement l'un de ses "collaborateurs") tire ostensiblement à la ligne - notamment avec des dialogues aux répliques lapidaires qui ne font que répéter des choses que le lecteur sait déjà - rendent la chose encore plus agaçante. Parvenu à la dernière page, il restait tellement de choses qui n'avaient reçues aucun semblant de résolution que je me suis demandé si le livre que j'avais entre les mains n'était pas simplement la première partie du roman. Mais non, c'était bien tout.

Bref, je ne sais pas pour quelle raison ce livre est ce qu'il est, mais c'est la première oeuvre de Dumas qui me déçoive franchement.

[theyoubot]

Bonne critique. Je partage entièrement cet avis.
_________________
Tennis de Table Bordeaux

[Lisbeï]

J'en ai un souvenir fort lointain, mais tellement confus que mon avis doit certainement concorder avec le tien ! Cela dit, comme j'étais à l'époque fort jeune, terriblement romantique (au sens le plus courant du terme, traduire "bêtement sentimentale"), et donc furieuse après la terrible fin de La dame de Monsoreau, cette partie-là m'avait apporté une franche satisfaction :-). Mais ce n'est pas suffisant, c'est clair.
_________________
Même le soleil se couche.

[Turb]

J'ai un souvenir tout aussi lointain, assez confus, donc à l'image du livre. Un bon souvenir au demeurant, comme la plupart des Dumas, mais c'est surtout lié aux deux livres précédents.

Son plus gros défaut reste cependant sa non-fin, effectivement assez frustrante, et castre franchement le livre. Comme pour Le Chevalier de Sainte-Hermine, on retrouvera peut-être le dernier volume...
_________________
En cours de lecture : Le Mythe de Sisyphe, d'Albert Camus