L'affaire de l'esclave Furcy - Mohammed Aïssaoui

[natiora]

Chronique réalisée pour le site Les chroniques de l'imaginaire

En mars 2005 furent mises aux enchères les archives d'une affaire judiciaire particulièrement poignante, et pourtant parfaitement inconnue : l'affaire de l'esclave Furcy.

Furcy est né en 1786, sur l'île de Bourbon, ancien nom de La Réunion. Madeleine, sa mère, était esclave, et par la force des choses, il l'est devenu aussi. Furcy était intelligent, instruit, mais sans aucun esprit de rebellion. Les choses étaient ce qu'elles étaient, point à la ligne. A la mort de Madeleine, le maître de Furcy, Joseph Lory, décide de garder une partie de ses biens, et de ne laisser à Constance, la soeur de Furcy, qu'une malle remplie de vieux papiers. Or Constance, en parcourant ces papiers, trouve un document d'une importance capitale : l'acte d'affranchissement de sa mère, qui impliquait que Furcy, trente et un ans, était libre depuis ses plus jeunes années.

C'est ainsi que débuta une affaire qui dura vingt-sept ans. Vingt-sept années pendant lesquelles Furcy se vit refuser le statut d'homme libre. Il commença d'abord par s'adresser à Gilbert Boucher, le procureur général de la Cour royale de Saint-Denis, et à son substitut, Jacques Sully-Brunet. Les deux hommes furent immédiatement convaincus du bien-fondé de la requête de Furcy, mais se heurtèrent à des difficultés. Les riches notables prirent peur d'une contagion au sein de leurs esclaves, et voulurent tuer dans l'oeuf cette affaire. Y compris parmi les noirs certains possédaient eux-mêmes des esclaves et s'opposèrent à ce que Furcy fut rendu libre. Les autorités prirent le parti des riches propriétaires, et Furcy fut jeté en prison puis exilé sur l'ïle de Fort-de-France, ancienne île Maurice, pour travailler chez des parents de Lory.

Mohammed Aïssaoui a accompli un fabuleux travail de recherches. On ne s'en rend pas assez compte à la lecture, car le "roman" est court, imprimé en gros caractères, et les chapitres sont brefs. Mais comme il l'explique en citant l'universitaire Hubert Gerbeau, "l'histoire de l'esclavage est une histoire sans archives". Il a du faire avec le peu qu'il a trouvé, car les esclaves étaient considérés comme des meubles, et il est donc très difficile de retracer leur histoire. Les documents officiels manquent parfois de concordance dans les dates, et ne facilitent pas la tâche. Malgré ces approximations, l'auteur parvient à faire passer l'essentiel : l'histoire d'un homme libre à qui on a refusé la liberté, sous prétexte qu'il n'était qu'un meuble. Les documents présents dans le texte sont éloquents. La vente d'une esclave figure entre la vente d'un lopin de terre et celle d'un ensemble de chaises !

L'affaire de l'esclave Furcy est un très beau document, que Mohammed Aïssaoui a de toute évidence écrit avec son coeur. Il ne se place pas en tant que chroniqueur impartial mais comme un ami hypothétique de Furcy. Il ne se met pas à la place de cet homme, il le regarde en imaginant ce qu'il a pu ressentir. On sent un regard bienveillant et admiratif, en même temps qu'attristé devant la cupidité et le manque d'humanité des maîtres. Toutefois, l'auteur nuance en replaçant les faits dans leur époque. Se serait-il mieux comporté que Lory ? C'est également en cela que l'ouvrage est intéressant, car il y a retranscription des faits, mais aussi une réflexion humaine sur l'esprit de l'époque. Ce mélange entre ressenti et observation est la signature de cet ouvrage, et c'est ce qui rend l'histoire de Furcy si poignante.
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Henry Miller

[Marie B]

Ce livre est excellent et, à travers une reconstitution historique remarquable, transporte également beaucoup d'émotion.
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La nuit obscure me fait moins peur que les amis de dernière heure