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Posté le: Dim Oct 07, 2007 11:54 am Sujet du message: Le rouge et le noir - Stendhal
En ce premier quart du XIXème siècle, Julien Sorel, fils d'un artisan de Verrières, à la différence des personnes de son "rang", le peuple, ne vit qu'à travers la lecture, la rêverie (la nostalgie d'une époque Napoléonienne) et l'ambition. Pour satisfaire cette soif d'ambition, Julien compte suivre un séminaire et entrer dans les ordres, pour se trouver ainsi du côté de ceux qui accèdent et côtoient le "pouvoir". Mais bientôt, le maire de Verrières, M. de Rênal, vient accélérer ses espoirs en lui demandant de devenir, lui Julien Sorel, précepteur de ses enfants.
L'engrenage se met en place: En travaillant pour des bourgeois, pour la "noblesse de campagne", Julien passe de l'autre côté de la frontière.
La passion sera le moteur de l'ambition.
Le rouge et le noir. Après lecture j'essayais de traduire ce titre, symbolique sans aucun doute. Je pensais au Rouge de la passion, au noir de la désillusion, caractères antagonistes rarement dissociables, fortement encré en Julien, le héros. Après quelques recherches (assez basiques), il semblerait que le symbole soit plus matériel que moral, tout en représentant les deux voix principales tracées par son ambition: le rouge des armées, et le noir du clergé. Cependant, on ne peut rien affirmer, et cela n'enlève rien au grand moment de lecture passé, ou à venir.
La passion moteur de l'ambition. Je pense que cette phrase convient parfaitement à Julien Sorel, jeune héros iconoclaste d'un XIXème siècle que Stendhal nous peint d'une façon qui m'a semblé réaliste, ou en tout cas, tout à fait probable: Une bourgeoisie ambitieuse, dont les intérêts d'argent passent avant tout, une noblesse parisienne qui ne vit que dans le paraître (une bienséance morale régulée très strictement), un clergé où se côtoient les fervents d'un Dieu et ceux d'un pouvoir matériel. En résumé, une hypocrisie constante pour ses classes là, doublée d'un mépris dédaigneux pour les personnes de "basse naissance" (A certains moments, le roman m'a paru étrangement moderne. Mais les sociétés, au fil des âges, ayant toujours pour sommet le pouvoir et pour base l'hypocrisie, cela est peut-être normal). De plus, le fond politique et théologique permet cette plongée dans le "siècle malade", mettant en scène jacobins et monarchistes, jansénistes et jésuites.
Le rouge et le noir, tiré de faits réels lu dans une gazette par Stendhal, apparaît ainsi comme une chronique de ce siècle. Un chronique portée à nue par un personnage principal remarquable.
En effet, Julien Sorel est un personnage complexe, qui semble à la fois extérieur et intérieur à son siècle. Politiquement, il porte la trace de Stendhal, avec admiration pour l'Emprereur Napoléon, admiration secrète qu'il cache à tous pour s'éviter des ennuis. Il est nostalgique d'un temps qu'il n'a pas connu, ou pas assez en tout cas, et qui aurait pût répondre à son ambition à travers une carrière militaire. L'épisode où Julien prend peur de la possible découverte du portrait qu'il cache sous son lit chez les Rênal est assez caractéristique de cette admiration. Un risque conséquent que lui dramatise à l'excès, et qui ainsi encore, nous montre aussi la désillusion, la peur de voir échouer ses ambitions.
De plus, à l'opposée d'un siècle que Stendhal décrit comme morcelé, Julien lui, est fait d'un bloc. C'est une personne entière, signe de la passion qui l'anime et qui semble avoir disparu dans cette France qui marche à petits-pas. La fierté le porte, au naturel, et il se donne "à fond" dans ce qu'il entreprend, dans ce qu'il pense. Ainsi, c'est aussi pour cela qu'il méprise l'hypocrisie constante qui l'entoure, qu'il méprise ces bourgeois et ces nobles, qu'il méprise leur façon d'avancer à tâtons, voir, de ne pas avancer du tout.
Mais là, la personnalité complexe du héros fait aussi miroiter une autre face du prisme qui le caractérise. Car si il méprise l'hypocrisie mondain, Julien l'adopte, et essaie au mieux de s'adapter à ce monde nouveau pour lui. Pour arriver à ses fins, pour combler ses ambitions, Julien n'hésite pas une seconde à plonger dans la fange du mensonge. Cela peut paraitre contradictoire à première vue, mais je pense qu'il faut y voir, une fois encore, la conséquence de son moteur, la passion. Julien, grâce à elle, passera tous les obstacles. Ainsi, ses projets d'entrer dans les ordres, premier chemin choisi par Sorel, n'ont pas pour source un désir religieux ou fervent. Et cela devient encore plus explicite quand il va passer du temps au séminaire de Besançon, après avoit quitté les Rênal.
Cette passion, si elle s'exprime principalement à travers sa recherche de pouvoir, éclate aussi, voir plus fortement, au contact de l'Amour.
L'amour. L'ambition et l'amour sont deux personnes qui tirent sur le coeur de Julien, chacune le voulant pour elle toute seule.
Il y a trois personnages principaux dans Le rouge et le noir: Julien Sorel, Mme de Rênal et Mlle de la Mole. Et donc, deux histoires d'amour...passionnées. Elles ont toutes deux à peu près le même schéma, images du maelström interne qui sévit en Julien.
[Les notes qui finissent ce paragraphe dévoilent grossièrement des parties de l'intrigue] En effet, poli, joli, cultivé, intéressant, et surtout différent, le jeune Sorel va attirer deux femmes que la naissance a placé bien au dessus de lui. Ainsi, ses premières mesures vont être purement menées par l'ambition, et c'est en calculateur qu'il répondra aux avances des deux femmes. Son ambition le pousse à jouer, au niveau des sentiments humains, avec hypocrisie. Mais, là où tout bascule, c'est au moment où la passion fait non plus le jeu de l'ambition, mais celui du sentiment amoureux. C'est avec dévouement qu'il aime, "entièrement", prêt à sacrifier des mondes pour celle qui a mit son coeur à bas, prêt à se détourner, dans les moments les plus passionnées, de ses ambitions (Les visites tard le soir à la chambre de Mme de Rênal, sa main prise au jardin, ou bien quand il va la voir une dernière fois avant son départ pour Besançon. La visite dans la chambre de Mlle de la Mole, l'ouverture de son coeur face à elle, lui exprimant brutalement son amour. Et bien sur, le coup de fusil final. Dans tous ces cas là, l'ambition passe au second plan, les risques encourus étant énormes, voir, pour le dernier acte, consommés.).
Ainsi, c'est avec entrain que l'on suit le chemin qu'il se trace, ne sachant vraiment jamais comment cela va tourner, vu le caractère du héros.
Enfin, dans un dernier acte extrêmement prenant, la passion de Julien explose, s'empare de lui et le contrôle. L'hypocrisie ne régule plus rien et le moteur fonctionne sans dessein. Il fonctionne, voilà tout. (La passion fait place au regret en prison, puis reprend le dessus rapidement quand il apprend que Mme de Rênal est vivante. Alors, l'ambition est mort, totalement, et seul l'amour triomphe en son coeur. La passion servira cette cause désormais. Jusqu'à la fin, jusqu'à ce que sa tête roule au sol...La Mort fut la seule à pouvoir influer durablement sur lui.)
Quant au style, il est facile d'accès et très agréable. Concernant la forme même de l'ouvrage, il est constitué de deux parties elles mêmes composées de nombreux chapitres, relativement court, ponctuant adroitement l'oeuvre.
J'ai donc beaucoup aimé cette lecture, et trouvé en Julien Sorel un personnage attachant et extrêmement "passionant". _________________ Brise et ruine d’abord ce monde, nous verrons si l’autre surgit ensuite
Dernière édition par L le Mar Oct 09, 2007 5:15 pm; édité 4 fois
Posté le: Dim Oct 07, 2007 2:20 pm Sujet du message:
J'ai lu ce livre trop jeune, pour l'école, forcé, et j'en ai un souvenir mitigé.
Il fait partie de ces livres qu'il va falloir que je relise pour véritablement en profiter. Et la Chartreuse de Parme fait partie de ma liste de choses à lire un jour... _________________ En cours de lecture : Le Mythe de Sisyphe, d'Albert Camus
Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6322 Localisation: Sud
Posté le: Mer Oct 10, 2007 1:45 pm Sujet du message:
J'ai essayé de le lire une fois, il y a très longtemps, et j'en ai un souvenir tellement ch*** que je ne me suis jamais décidée à m'y replonger ! _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 12 Avr 2006 Messages: 5856 Localisation: deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin...
Posté le: Mer Oct 10, 2007 2:52 pm Sujet du message:
Je l'ai lu en lecture scolaire. J'ai tout oublié, sauf que je m'étais profondément ennuyée... _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
Inscrit le: 26 Avr 2007 Messages: 840 Localisation: France
Posté le: Mer Oct 10, 2007 3:16 pm Sujet du message:
Je l'ai moi aussi lu dans le cadre scolaire. Comme cela ne m'emballait pas plus que ça (je ne trouvais pas franchement Julien très attachant) et que j'étais un peu pressé par le temps, j'ai sauté tout le milieu de l'oeuvre... Il faudrait que je le relise un jour mais, considérant ma pile d'attente, ça ne va pas être tout de suite...
Micro-question à l'intention de ceux qui ont lu l'oeuvre en entier : est-ce qu'on apprend jamais le prénom de Mme de Rénal ?
Inscrit le: 30 Juin 2004 Messages: 5671 Localisation: Physiquement : Cergy, France. Mentalement : MIA
Posté le: Mer Oct 10, 2007 6:10 pm Sujet du message:
Je n'en ai étudié qu'un passage (en cadre scolaire, donc) et rien que ça m'a paru ch... à mourir (sans parler de ce que j'avais envie de donner des baffes à Sorel et Rênal...). Un peu comme "Belle du Seigneur" en fait... _________________ Crazy Modératrice et Dictatrice Adjointe Il ne faut pas confondre ce qui est personnel et ce qui est important (Terry Pratchett)
J'ai un blog, et maintenant, j'ai publié un roman
Inscrit le: 10 Juin 2007 Messages: 640 Localisation: Ailleurs
Posté le: Mer Oct 10, 2007 7:58 pm Sujet du message:
Le prénom de Mme de Renal est Louise! Julien n'est pas attachant! L'oeuvre elle même est chiante à mourir! Je vais me calmer avec les exclamations!
Hum...Julien porte l'oeuvre (D'ailleurs Stendhal a pensé un temps l'intituler: Julien), alors si on arrive pas à suivre les pérégrinations de Julien sans avoir envie de se pendre ou de commettre un acte répréhensible par la loi, c'est gênant.
Comme dit précèdemment, j'ai trouvé dans ce personnage quelqu'un de complexe, et en même temps fait d'un seul bloc, quelqu'un qui sait ce qu'il veut atteindre tout en laissant une place au doute, qui a une vision lucide de la société dans laquelle il évolue, tout en voulant y évoluer. Passioné et passionant, en somme.
Concernant l'oeuvre dans son ensemble, j'avoue avoir douté, avoir eu peur que la passion de Julien pour Mathilde ne ressemble trop à celle de Mme de Renal, comme la répétition d'une partie du bouquin. Mais au final, je ne me suis pas ennuyé du tout.
Après, je n'ai pas subi "le travail en classe", souvent générateur d'un malaise viscéral avec les oeuvres étudiées, donc qui sait ce que j'en penserais dans ce cas là. _________________ Brise et ruine d’abord ce monde, nous verrons si l’autre surgit ensuite
Inscrit le: 26 Avr 2007 Messages: 840 Localisation: France
Posté le: Mer Oct 10, 2007 10:40 pm Sujet du message:
L a écrit:
Après, je n'ai pas subi "le travail en classe", souvent générateur d'un malaise viscéral avec les oeuvres étudiées, donc qui sait ce que j'en penserais dans ce cas là.
Je pense que c'est la raison d'une bonne partie des appréciations négatives qu'on trouve ici. Il y a des classiques qu'un adolescent peut apprécier et il y en a d'autres qu'il a de bonnes chances de juger rébarbatifs. Lire une oeuvre trop tôt peut nous laisser une mauvaise impression durable (ce à quoi l'Education Nationale ferait bien de réfléchir).
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