Posté le: Mer Sep 22, 2004 9:33 am Sujet du message: Juste avant la frontière - Julien Bouissoux
Sous le charmeEt pourtant ce dernier roman de Julien Bouissoux ne possède aucun des ingrédients susceptibles d'attirer la foule car grosso-modo il ne se passe pratiquement rien dans "Juste avant la frontière". C'est l'histoire de Samuel Elliot qui, sorti de sa promotion, est parti en mission dans un pays qui n'est jamais nommé (mais l'éditeur se base sur "une des capitales, là-bas, à l'Est, à Prague ou Budapest"). Initialement parti pour deux ans, il a renouvellé son contrat pour deux années supplémentaires. Et le roman parle de sa dernière journée dans ce pays, de ses quelques heures avant son départ pour Paris, bref de ses errances "juste avant la frontière". En une journée, le jeune homme va beaucoup marcher : prendre un dernier bain brûlant, rendre les clefs de son appartement, prendre un dernier verre dans un bar et marcher le long du fleuve, près du château et laisser ainsi ses pensées vagabonder. Car Sam a beaucoup de mal à partir, à quitter ce pays où il s'est laissé envahir par le charme, la beauté, la tristesse et le désespoir. Dans ce pays, il a eu aussi des rencontres marquantes : celles avec Katia, Judit, Niko et Riki. Toutes ont pour lui le souvenir de soirées arrosées, émoustillées et sensuelles, de sorties dans des restaurants ou à l'opéra, de flâneries au bord de l'eau... Passé et présent se mélangent dans la tête du narrateur, "mixed feelings in my head"... Et tout ça est raconté platoniquement, d'un ton assez las et blasé, parce que le jeune homme est déchiré entre ce qu'il voudrait bien et ce qu'il cherche à tout prix à comprendre. Et ce n'est pas facile : j'ai suivi ses inquiétudes et ses états d'âme en me sentant charmée par l'écriture de l'auteur. Je n'avais jamais ressenti ce magnétisme innommable pour un récit où il est question de peu de choses. Car ce n'est pas un récit truffé de détails, le narrateur a des trous de mémoire, il le reconnaît mais ce n'est pas grave, après tout. C'est finalement son travail de deuil, son acceptation au départ vers un nouveau lendemain. Pour reprendre ses dires, "C'est bien de sentir que l'on a vécu, qu'il y a eu de la vie, et de tout oublier. C'est bon de sentir qu'il y a eu de la joie, et si ça ne reste pas, je ne suis pas triste, je me dis que ce n'est pas grave. Je ne sais pas si c'est essentiel de se souvenir de tout.". Et moi d'être séduite par ce jeune auteur dont je vais lire très prochainement les premiers romans ...Editions de L'Olivier, 153 pages.Clarabelle
Posté le: Mer Sep 22, 2004 3:15 pm Sujet du message:
http://www.evene.fr/livres/fiche.php?id_livre=11293Ce roman confirme le talent du jeune auteur Julien Bouissoux à peindre par petites touches un sujet délicat. Car c'est l'indescriptible et l'éphémère qui semblent le fasciner tant : l'ambivalence d'une atmosphère, le bien-être et le mal-être sont si difficilement palpables, qu'il faut leur tourner autour comme pour mieux les surprendre. Les mots coulent, limpides et simples ; la recherche du souvenir s'exprime toute entière dans les silences. Comment décrire le plus beau jour de sa vie ? Par l'impression qu'il laisse quand on l'a oublié ? La prose moderne et économe laisse place aux respirations pour nous emmener où elle veut, dans un no-man's land dont on finit par comprendre la finalité : le manques de repères ramène à la question vertigineuse de l'identité, abordée au détour de questions qui émergent à la surface du texte. Sans donner de réponses toutes faites, le roman prend les airs d'un carnet de bord d'où l'on aurait voulu gommer les références concrètes : à aucun moment le lecteur ne peut se raccrocher à un nom de lieu, à une indication spatio-temporelle rassurante. Quand une Sofia Coppola nous démontre que l'on peut être perdu loin de chez soi et se retrouver soudain au détour d'une relation à l'autre, Bouissoux ose rendre plus volatile encore le familier, pour ne plus s'intéresser qu'au sujet. Etre libre, n'est-ce pas ne plus avoir peur de tout oublier ? Que restera-t-il de ce que l'on a vécu lorsqu'on en aura précisément effacé les traces ? Sincère, presque impudique, le roman touche à son but lorsque le départ tant attendu transforme le chaos nostalgique en une sérénité de façade : comme s'il suffisait de se sentir décoller, de se savoir nulle part - parce qu'entre deux vies - pour que les tensions s'apaisent… Hélène ZemmourA lire des extraits sur le site d'evene, etc...
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