Le mezzetin - Louis Védrines

[clarabelle]

Confessions d'un criminel

"J'aime tuer les femmes." affirme le narrateur dans ce qui semble être une plaidoirie du coupable pour justifier son crime. Très judicieusement, il va donc étaler son parcours criminel, ses rencontres avec les femmes qui ont marqué dans sa vie et qu'il a assassiné, de manière calculée, accidentelle ou fataliste. Parfois regrette-t-il son geste ? Comme s'il avait tué malgré lui, comme s'il n'y pouvait rien, car ça ressemble plus à une habitude selon lui, une extase qu'il va peaufiner avec l'âge car il le reconnaît : "chez moi, cette vocation n'a pas été précoce. Je n'en ai eu la révélation que vers le milieu de mon âge." Quand le crime est tout un art ... en somme.
Car ce narrateur est aussi un passionné, un amoureux de la peinture. D'ailleurs, ses crimes sont signes de chef d'oeuvre, il constate très vite une similitude presque morbide entre son crime parfait et une toile sans faiblesse.
"Le mezzetin" c'est un peu lui. En référence à la peinture de Watteau, dont il a écrit un ouvrage à son sujet, il ne consentira pas la moquerie d'une demoiselle sur l'artiste ("seuls quelques rats de musée savent de qui il s'agit!"). Résultat, la belle sera "zigouillée" proprement et méthodiquement.
Oui, méthodique et cruel sont deux maîtres mots pour caractériser le narrateur de l'histoire. Imbu de lui-même et de sa prétendue intelligence, esthète en son genre, ironique et pervers, cet homme surprend son lecteur. Un peu vaniteux de ses actes criminels, il confesse leur récit afin qu'une "entreprise aussi rare ne demeure pas secrète et puisse, peut-être, susciter quelque vocation." Abject et immonde, et cruellement fascinant hélas.
J'ai lu ce roman de Louis Védrines il y a plusieurs mois et j'en avais conservé un très bon souvenir. Ce roman, agrémenté de passages sur la peinture, la littérature, est un bon dosage de la perversité criminelle d'un pseudo-érudit passionné d'art. A découvrir. Editions de Fallois, existe chez France Loisirs, collection Piments.C,