clarabelle
Inscrit le: 26 Jan 2004 Messages: 675
|
Posté le: Mar Juin 08, 2004 7:59 pm Sujet du message: Dora Bruder - Patrick Modiano |
|
|
D'une infinie tristesseParce qu'il a lu dans un Paris-Soir de décembre 1941 l'annonce "On recherche une jeune fille, Dora Bruder, 15 ans (...)", Modiano part sur les traces de cette jeune fille juive disparue. S'adresser boulevard Ornano, Paris réveille chez cet amoureux des rues parisiennes et des longues promenades dans ces dédales une profonde nostalgie. Aussitôt, le narrateur improvisé enquêteur part sur les traces de la jeune Dora Bruder. Minutieusement il va retracer le curriculum vitae des parents de Dora, il va tenter de se mettre dans la peau de la jeune fille, de suivre son parcours dans Paris, prendre les mêmes chemins, parcourir les mêmes rues. Tenter de percer ce mystère et revivre les tragiques événements du Paris occupé, des rafles dans les quartiers juifs et l'arrestation de son propre père. Bref "Dora Bruder" n'est en rien une intrigue policière car on pressent que Modiano ne découvrira rien de plus que les maigres annotations rédigées par les administrations de l'époque, qu'il amassera péniblement, ici et là. Bien entendu, il arpentera des chemins difficiles depuis Paris, les Tourelles, Drancy et fatalement Auschwitz. Car finalement son travail d'écrivain dans "Dora Bruder" aura été de rendre une stèle funéraire à cette jeune disparue, à sa famille et à toutes les autres victimes de cette guerre. En citant leur état civil, au moins, il rend honneur à leur mort précipitée et odieuse.
"Dora Bruder", c'est cette infinie tristesse caractéristique à l'écriture Modiano. C'est l'infinie nostalgie, la lancinante mélancolie d'un temps qui n'est plus, et aussi de lieux à jamais perdus. C'est beau, épuré de fards esthétiques pompeux, et poignant.Folio, 145 pages, 4.60 euro.Extrait" Depuis, le Paris où j'ai tenté de retrouver sa trace est demeuré aussi désert et silencieux que ce jour-là. Je marche à travers les rues vides. Pour moi elles le restent, même le soir, à l'heure des embouteillages, quanf les gens se pressent vers les bouches de métro. Je ne peux pas m'empêcher de penser à elle et de sentir un éch de sa présence dans certains quartiers. L'autre soir, c'était près de la gare du Nord.
J'ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d'hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s'est échappée à nouveau. C'est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d'occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l'Histoire, le temps - tout ce qui vous souille et vous détruit - n'auront pas pu lui voler. "
Clarabelle, |
|