natiora Marraine la Bonne Fée
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Posté le: Mer Mai 11, 2011 5:53 pm Sujet du message: Far away - Charles M et J-F, Gamberini |
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Martin Bonsoir, chauffeur routier, sillonne les routes de la province québécoise des Laurentides. La nature aux tons ocres et orangés est resplendissante, Martin chantonne... quand une tempête de neige aussi soudaine que violente s'abat sur la contrée. Le camion est embourbé, et le malheureux homme se voit contraint de marcher dans le froid cinglant à la recherche d'une habitation. Lorsqu'il parvient chez Esmé, il est à bout de force. Cette femme vit seule, et en attendant que le temps se rétablisse, lui propose de rester chez elle. Deux jours plus tard, Martin est prêt à repartir, direction l'Arizona. Mais il n'est pas le seul à être prêt, Esmé s'invite au voyage !
Les deux compagnons vont ainsi vivre une aventure bien à eux sur le chemin vers l'Arizona, l'Etat dans lequel vit Martin. Esmé va prendre l'inititiative, proposant à Martin de s'arrêter aux chutes du Niagara et de dormir à l'hôtel, en tout bien tout honneur. On sent une extraordinaire joie de vivre chez cette femme contrainte à une vie solitaire, et Martin est plutôt mal à l'aise, n'ayant pas l'habitude de sortir de son camion. Au contact d'Esmé, il apprend à observer ce qui l'entoure, à prendre le temps d'apprécier les choses. À mesure que leur périple avance, les liens se resserrent, mais avec pudeur, en silence. Au point que Martin n'ose dire à ses collègues qui est la femme qui l'accompagne.
Cette histoire aux allures de road-movie démontre comme on peut faire une oeuvre sublime avec une histoire simple. Il n'y a rien de spectaculaire. Les personnages sont banals, sans attrait physique, mais leurs charmes vont se révéler à mesure qu'on apprend à les connaitre. Il n'y a pas de drague, pas de déclarations, tout est dans la subtilité, la tendresse des regards, l'éloquence des non-dits. Les autres chauffeurs, au départ en adéquation avec le cliché de personnages grivois, se montrent sérieux et solidaires quand nécessaire. Quant aux situations, elles n'ont rien d'exceptionnelles d'un point de vue scénaristique, alors qu'elles sont très émouvantes du point de vue des personnages. Les secrets d'Esmé vont remonter à la surface, permettant de mieux comprendre pourquoi cette femme vit seule. Cependant, un indice placé tôt dans la bande-dessinée ouvre la perspective d'un malheur à venir, qui ajoutera encore à la beauté de l'histoire.
Quant aux dessins de Gabriele Gamberini, ils sont d'une beauté époustouflante, ultra-réalistes. Chaque vignette est un tableau, dans le jeu des couleurs, les traits d'une précision bluffante, les perspectives respectées à la perfection. Les personnages semblent surpris par un regard extérieur dans leurs mouvements. Le réalisme est tel que j'ai eu le sentiment de feuilleter un roman-photo. Les plaines du Minnesota, le Mont Rushmore, les Rocheuses, les rues, les routes... tout est extrêmement bien rendu.
Ainsi, tant d'un point de vue esthétique que scénaristique, Far away est une merveille. Il en ressort une profonde humanité, une authenticité touchante, qui à la fois redonne le sourire et serre le coeur. _________________ “Un livre n'est pas seulement un ami, il vous aide à en acquérir de nouveaux. Quand vous vous êtes nourri l'esprit et l'âme d'un livre, vous vous êtes enrichis. Mais vous l'êtes trois fois plus quand vous le transmettez ensuite à autrui.”
Henry Miller |
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