Inscrit le: 23 Aoû 2008 Messages: 298 Localisation: Au coeur des choses
Posté le: Sam Déc 06, 2008 5:32 pm Sujet du message: Le cuisinier de Talleyrand - Jean-Christophe Duchon-Doris
En cet automne 1814, Napoléon est exilé sur l'ile d'Elbe et toute l'Europe s'est donnée rendez-vous à Vienne pour s'y partager les dépouilles de l'empire.
Mais Talleyrand, le représentant de Louis XVII, qui a succédé à l'empereur, veille. Il dispose de deux jokers dans sa manche : sa nièce par alliance Dorothée, une liane gorgée de sève, et le merveilleux, le sublime et mythique cuisinier Carême, l'ancêtre de la Grande Cuisine.
Grâce à eux Talleyrand étourdit les représentants des diverses délégations dans les fastes et les plaisirs.
Seulement voilà, à l'aube, au pied du château de Schönbrunn où sont gardés Marie Antoinette et l'Aiglon, un homme est assassiné d'une balle dans le front.
La victime c'est Maréchal, chef rôtisseur de Talleyrand. Le suspect, c'est Carême !
L'inspecteur Janez Vladesski, batard d'une Tzigane et d'un prince, aussi charmant qu'inquiétant, est chargé de l'enquête.
Entre ce drôle de policier et Carême, le cuisinier de Talleyrand, enfant de La Révolution, d'une intelligence vive et d'une énergie vitale peu commune, va s'établir le jeu alternatif du soupçon et de l'innoncence, du rejet et de l'amitié.
Avec une habileté rare et une délicatesse d'orfèvre, Jean-Christophe Duchon-Doris trempe sa plume superbe dans l'encre de son érudition pour nous conter une histoire de tromperie, de gourmandise, de sensualité et de meurtre dans le plus délicieux des décors.
Un extrait pour vous mettre en appétit (il s'agit du rotisseur) :
Quand il était ivre, les cuisines s'ouvraient sur un monde plus beau. Elles flottaient dans un brouillard mauve que soulignaient leur verdure d'épaves. Elles devenaient un palais minéral, tout de pierre et de marbre. Il n'y avait plus que lui et le vin, lui et le feu se mourant. Il était le maître des cendres, le seigneur des braises, celui qui savait contenir la Bête. Car elle était là, familière, chaque fois que quelque chose brûlait. Au-delà ou en dedans des hommes. Tous les soirs, quand il était ivre, la Bête était tapie dans la pénombre brûlante de la fosse, immobile, impassible, toute entière occupée à le guetter.
Parfois Maréchal jetait un morceau de lard au milieu du feu pour entendre la Bête gémir.
Et un petit déjeuner (!) :
... un bol brûlant de chocolat, langues-de-chat cuites au miel et au beurre, un verre d'orgeat et un gâteau aux abricots de la Wachau sortant du four. […] Le gâteau avait fait craquer sa vieille croûte et une lave d'un jaune luisant clapotait entre les lèvres dorées de la chair éclatée, exhalant une odeur chaude d'amande et de fruit qui se répandait dans les escaliers.
Pour terminer sur une nature morte :
Il fut émerveillé par la palette des couleurs, le jeu magique d'ombre et de lumière qui allumait les grilles des fourneaux, l'acier des lames, le ventre rebondi des casseroles. Il admira le bois des billots et le mica des pierres à aiguiser, le cuivre étamé des moules à gâteaux, les sacs de poivre, les yeux morts des poissons fixant les plafonds hauts, le sang caillé sur le plumage des volailles. Il admira sur les ustensiles la vibration des gris ardoisés et bleutés, sur la vaisselle, sur les corbeilles de navets, sur les tabliers des marmitons, le tremblement des blancs mêlés de perle et d'or. _________________ L'un pour lire tourne le dos à la vie et l'autre, résolu à s'y épanouir, lui accorde un moment d'attention.
Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6314 Localisation: Sud
Posté le: Dim Déc 07, 2008 8:15 pm Sujet du message:
Je me souviens avoir lu et apprécié ce roman, mais moins que d'autres de cet auteur que j'aime beaucoup. J'ai un souvenir enchanté des Nuits blanches du Chat Botté, que je recommande vivement . _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 23 Aoû 2008 Messages: 298 Localisation: Au coeur des choses
Posté le: Dim Déc 07, 2008 11:00 pm Sujet du message:
Bien vu Lisbeï , Les nuits blanches du chat botté, c'est très bien, suivi avec le même enquêteur par L'embouchure du Mississipi et Les galères de l'orfèvre. Je vais commencer L'embouchure du Mississipi.
Duchon-Doris, c'est une très belle plume. _________________ L'un pour lire tourne le dos à la vie et l'autre, résolu à s'y épanouir, lui accorde un moment d'attention.
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