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Posté le: Mer Juil 06, 2016 7:34 am Sujet du message: Anamnèse de Lady Star - L.L. Kloetzer
Le Satori : C’est le nom que l’Histoire a retenu pour l’attentat le plus destructeur qui ait jamais été commis sur Terre. Une nouvelle arme, la bombe iconique, a déclenché une réaction en chaîne qui a décimé près des trois quarts de la population mondiale. En quelques heures, les personnes qui voient les symboles visuels mortels s’écroulent, à la fois aveugles, sourdes et muettes, leur esprit brisé. Croiser le regard d’une personne touchée, c’est mourir à son tour, ou à la limite devenir un Porteur Lent qui survivra en contaminant les gens qui le rencontrent. La Terre en a été radicalement changée.
Pour éviter qu’une telle catastrophe se reproduise, il faut détruire toute connaissance liée à la bombe. Les principaux responsables ont été exécutés. L’organisation Vergiss mein night dispose des pleins pouvoirs pour traquer leurs complices volontaires ou involontaires. Plusieurs décennies après le Satori, Magda Makropoulos obtient de son chef Christian Jaeger d’enquêter sur une anomalie : dix-huit ans avant le début de la pandémie, lors d’une interview de scientifiques impliqués au plus haut niveau, le film montre une chaise vide dans le restaurant parisien qui servait de cadre à l’entretien. Qui était là ? Une personne proche du Dr Aberlour, qui a raffiné le concept de la bombe, ou du Colonel Darsonval, qui a mis en œuvre le projet Star ?
Au fil des chapitres de ce roman, nous découvrons des tranches de vie de personnages liés de près ou de loin à la bombe iconique, sur une période de temps qui couvre plusieurs dizaines d’années : un enquêteur parisien à l’affut d’un possible scandale politique, le terroriste qui a fait « exploser » la bombe lors d’un sommet hyper-médiatisé, un homme qui a exhumé des archives une importante pièce à conviction, un des militaires qui a testé la bombe dans une vallée isolée… Leur point commun ? Tous ont approché une femme mystérieuse dont les archives n’ont pourtant gardé aucune trace. Ces traces inexistantes, ces moments où il aurait pu – ou non – se passer quelque chose de crucial, c’est tout ce sur quoi Magda peut s’appuyer pour retrouver l’absente. Elle est convaincue pourtant qu’il y a quelqu’un au bout de sa quête.
Margarita (du nom de la boisson servie devant la chaise vide), Kirsten Lie (une artiste spécialiste en idéogrammes), Nomen Rosae (un profil sur un réseau social), Hypasie (un nom parmi d’autres cités durant un interrogatoire), ou encore Marguerite… Ceux qui l’ont rencontrée pensent qu’elle est une Elohim, une « enfant des étoiles » : une extra-terrestre d’apparence entièrement humaine qui se coule dans le moule de ses maîtres, existant à travers eux, se définissant à partir de ceux qui pensent à elle. Pour survivre, il lui faut rester cacher pour échapper à ceux qui la traquent, mais paradoxalement il lui faut aussi conserver leur attention pour ne pas s’effacer dans le néant… Tous en tout cas l’ont trouvée troublante, mystérieuse, évanescente. Le lecteur également !
Cette enquête pour retrouver ce fantôme omniprésent mais insaisissable nous est présentée dans le désordre, mêlant des récits de différentes époques. Chaque chapitre nous présente des personnages différents, avec des styles d’écriture différents (même si on ne sait pas toujours qui raconte, en fait), couvrant un grand nombre de registres : du flot de souvenirs ininterrompu aux rêveries suggestives, des rapports aux rencontres évasives...
De plus, tous les récits sont sujets à caution. De par le temps qui a passé et brouillé les souvenirs, mais aussi de par l’intervention possible/probable de l’Elohim, avec sa faculté à modifier la mémoire de ceux qui la rencontrent. Bref, tout est trouble, on ne sait jamais où est vraiment la réalité. La vérité d’une page est démolie à la page suivante, inlassablement. Le doute est permanent.
C’est une lecture difficile, qui nécessite que l’on s’accroche pour ne pas perdre le fil. Un puzzle qui se compose peu à peu sous nos yeux, dans le plus grand désordre. Des éléments qui sont disséminés de manière trop allusive pour qu’on les comprenne dans l’instant. Le hic, c’est que cet effort de lecture constant à fournir pour s’immerger dans l’histoire et en comprendre les enjeux m’a vraiment fatiguée : j’ai eu de la peine à vraiment apprécier ma lecture ; j’ai même quasiment décroché vers la fin, quand on a commencé à voir de ci de là apparaitre les noms d’Assur et Norn, dont on met longtemps à comprendre de quoi il s’agit réellement. C’est souvent long, c’est aride.
C’est dommage, parce que l’ouvrage a vraiment une grande richesse. En sus de la quête, les auteurs n’ont pas ménagé leur peine pour nous proposer un monde futur original et cohérent : société hyper-technologique, zones post-apocalyptiques dévastées où les soldats portent des casques brouilleurs pour ne pas être contaminés, sectes, mise en sommeil de Dormants en attente de réveil dans des sarcophages emplis de liquide orangé, colonisation de l’Espace, présence sur notre planète d’extraterrestres bien intégrés… J’en passe, cela fourmille d’idées fort bien trouvées et mises en œuvre.
Finalement, le roman est à l’image de son titre, intrigant et plus profond qu'il ne semble au premier abord : « Anamnèse », un bien joli mot que le commun des mortels devra chercher dans le dictionnaire, pour découvrir qu’il possède plusieurs significations toutes appropriées ici, que ce soit en psychologie (histoire d’un sujet), en médecine (antécédents d’un patient et historique d’une maladie avec les résultats déjà obtenus) ou en ésotérisme (connaissance totale des incarnations antérieures)… « Lady Star », un nom qui ne sera jamais employé dans le roman mais qui n’est pas plus juste/faux qu’un autre pour un personnage multiple difficile à cerner…
Une œuvre magistrale, mais exigeante et qui ne plaira pas à tous les lecteurs.
Grand prix de l'imaginaire 2014, Prix du Lundi 2014, Prix Rosny aîné 2014
Chronique réalisée pour Les Chroniques de l'Imaginaire. _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
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Posté le: Mer Juil 06, 2016 10:37 am Sujet du message:
Comment ça "les auteurs" ? Je ne doute pas que Kloetzer se soit multiplié pour l'écrire, mais tout de même... En tout cas, comme j'ai tout aimé de l'auteur jusqu'à présent, et que ce que tu en dis m'intéresse, je vais le prendre à la bibliothèque. Merci pour cette chro ! _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 12 Avr 2006 Messages: 5856 Localisation: deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin...
Posté le: Mer Juil 06, 2016 12:17 pm Sujet du message:
Quand c'est signé "L.L." et non simplement "Laurent", c'est que Laurent écrit en couple avec son épouse Laure. C'était déjà le cas pour "Cleer", et effectivement je trouve que le style se rapproche plus de ce roman que des autres romans de Laurent - tout seul - que j'ai lus. _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
Posté le: Mer Jan 17, 2018 12:19 am Sujet du message:
Bonsoir bonsoir
Je suis dedans (moitié). "Alors pourquoi tu postes sans avoir terminé?". Et bien parce que je pense que c'est parfois intéressant d'avoir le retour d'un lecteur en cours de route La connaissance de la fin peut changer la perception du tout au tout, bref c'est un autre débat.
Pour l'instant je trouve ça bien, mais sans que ce soit phénoménal.
J'entends par là que la construction est très très longue, alors je vois déjà quelque chose qui monte en tension des superposition d'existence, passé, présent, futur, les auteurs nous font bien naviguer. C'est plaisant mais je ne suis pas en mode ultrasuspens.
Niveau style c'est pas mal. Simple et efficace. Equilibré, un peu d'action, un peu de description, un peu de nouveauté. Un cocktail bien dosé, bien équilibré, mais pas les montagnes russes dans mon coeur. J'entends de voir la suite et reviendrai sans doute poster / éditer.
Posté le: Mar Fév 06, 2018 1:36 pm Sujet du message:
Euh le style n'a rien de "simple et efficace". C'est quand même très travaillé, très tortueux dans la description, et c'est précisément de ce vertige que naît le plaisir.
La fin est un peu ratée malheureusement, la sauce était montée et on nous donne une conclusion assez minimaliste, sans réelle révélation.
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