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Posté le: Lun Déc 28, 2015 5:54 pm Sujet du message: La Ligne de beauté - Alan Hollinghurst
Quatrième de couverture :
Nick Guest, fils d'un petit antiquaire de province et brillant boursier d'Oxford, s'installe à Londres pour mener à bien sa thèse de littérature. Il loue une chambre dans l'hôtel particulier des parents de son ami Toby Fedden, et entre dans l'intimité de la famille : Gerald, le père, un ambitieux député tory, Rachel, la mère, soeur d'un baron fortuné, et Catherine, leur fille maniaco-dépressive. Nick devient le spectateur fasciné d'une société où les héritiers des grandes familles, les ladies désoeuvrées et les conservateurs règnent en maîtres. La Ligne de beauté est une fresque flamboyante du Londres des années Thatcher, quand ascension sociale rimait avec hédonisme et égoïsme. Ce roman a obtenu en 2004 le Man Booker Prize, le prix littéraire le plus prestigieux du Royaume-Uni.
Mon avis :
La Ligne de beauté est l'histoire d'un jeune homosexuel dans le placard qui, à la suite d'une amitié à Oxford, se retrouve à loger plusieurs années chez une famille riche dominée par un politicien ambitieux, dans le Royaume-Uni des années Thatcher entre 1983 et 1987. Il vit là sa première liaison, avec un homme noir d'origine modeste, Léo. Par la suite, c'est une seconde liaison, avec un homme très riche, qui le propulse définitivement dans un univers de luxe. Mais Nick s'intègre-t-il réellement, ou n'est-il qu'un éternel "guest", un invité, comme son nom l'indique ?
La Ligne de beauté est un très bon roman, en particulier pour son propos principal, à savoir tout ce qui est la peinture d'un milieu social repoussant et implacable vu par les yeux d'un personnage qui lui est étranger mais qui ne peut s'empêcher d'en être fasciné.
Ce personnage, Nick Guest, est à la fois creux et très fouillé : de l'extérieur, il semble discret, effacé, voire servile, au sein de cette famille qui l'accepte tout en le traitant un peu comme l'homme serviable bon à tout faire. Mais la narration à la 3e personne adopte constamment le point de vue de Nick, ce qui nous donne accès à ses impressions, mélange de lucidité aiguë envers les travers des gens qu'il fréquente et de fascination envers les richesses qu'ils brassent.
En réalité, comme l'indique le titre du roman (et comme cela apparaît assez vite), Nick est "un esthète". Passionné de littérature, mais aussi d'art en général, il est surtout attiré par la beauté, celle des hommes, mais aussi celle des maisons, de l'ameublement, des oeuvres d'art, et de la nature. Une nature où il a vite fait de s'absorber en de douces rêveries...
Mais son séjour prolongé chez les Fedden ne le met pas à l'abri des pires réalités du milieu : le libéralisme galopant, mais aussi la violence des riches sous toutes ses formes, des plus subtiles aux plus brutales, du mépris de classe à ce que personne n'appelle encore l'homophobie. Quelle que soit leur degré de richesse, Nick et les hommes qu'il fréquente vivent une vie de secrets. Sans compter qu'à mesure que les années 1980 avancent, une autre menace vient s'ajouter aux autres : le sida.
L'auteur dit avoir été largement influencé par Henry James. Je ne connais pas assez cet auteur classique pour préciser le rapprochement, mais le résultat est un regard acéré, presque chirurgical, sur le milieu social en question.
Ma seule réserve porte sur l'aspect quelque peu étouffant du livre, au sens où la majorité des personnages sont vains, cupides, égoïstes voire incultes... et leur pouvoir est énorme, même une fois que leurs masques de dignité assez fins commencent à tomber. Qu'on me lise bien : Hollinghurst fait tout sauf des caricatures. Sa façon de mettre en scène ses personnages est aussi précise et réaliste qu'implacable... mais le résultat est encore plus oppressant, car tout est terriblement vraisemblable.
A noter que le livre a fait l'objet d'une adaptation en téléfilm pour la BBC en 2006.
N'ayant que faire d'une énième peinture des cruelles hautes sphères, particulièrement sur une période qui nous est aussi familière, le seul aspect du récit qui m'intéresse est l'homosexualité du personnage principal. Comment est-elle utilisée par l'auteur ? Est ce anecdotique, ou y a-t-il de vrais enjeux autour ? _________________ Tennis de Table Bordeaux
Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6315 Localisation: Sud
Posté le: Mar Déc 29, 2015 7:09 am Sujet du message:
Merci pour ta chro, Tybalt. Si je tombe dessus, pourquoi pas ? Mais j'ai plus de facilité à trouver L'enfant de l'étranger, de cet auteur, que ce présent roman. L'as-tu lu aussi ? _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 19 Mar 2007 Messages: 1489 Localisation: Paris
Posté le: Mar Déc 29, 2015 12:30 pm Sujet du message:
theyoubot a écrit:
le seul aspect du récit qui m'intéresse est l'homosexualité du personnage principal. Comment est-elle utilisée par l'auteur ? Est ce anecdotique, ou y a-t-il de vrais enjeux autour ?
Je dirais que oui, mais ça dépend comment tu comprends le livre. En termes d'esthétique et de vision du monde, l'homosexualité de Nick est une composante importante dans sa quête (plus ou moins consciente) de la beauté. En termes d'action, la nécessité de mener toute sa vie amoureuse et sexuelle "dans le placard" est une contrainte forte et entraîne un enjeu du secret très important, pour lui mais aussi pour les hommes qu'il fréquente. Ça a beaucoup d'importance au tout début, ça passe un peu en sourdine au milieu du roman et ça revient au centre de la scène dans le dernier tiers en gros.
En revanche, si la peinture de l'époque et du milieu social ne t'intéresse pas, tu risques de ne pas apprécier le roman, parce que c'est quand même son sujet principal. Du coup, j'aurais tendance à te conseiller plutôt de jeter un oeil à d'autres livres du même auteur où l'homosexualité des personnages a l'air de jouer un plus grand rôle, comme La Piscine-bibliothèque (The Swimming Pool Library, 1988). Je ne l'ai pas lue (je me base sur un quatrième de couverture), donc c'est une recommandation au jugé, mais étant donnée la qualité de la prose de l'auteur, ça peut valoir le coup d'oeil.
Lisbei a écrit:
Mais j'ai plus de facilité à trouver L'enfant de l'étranger, de cet auteur, que ce présent roman. L'as-tu lu aussi ?
Non, je viens juste de découvrir Hollinghurst avec La Ligne de beauté (c'était un cadeau) - mais il est probable que j'aille lire ce qu'il a fait d'autre tôt ou tard. Si tu te lances sur L'Enfant de l'étranger, je serai très curieux d'avoir ton avis, du coup
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