Tybalt
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Posté le: Mar Sep 29, 2015 6:46 pm Sujet du message: Verre cassé - Alain Mabanckou |
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Présentation de l'éditeur :
L'histoire « très horrifique » du Crédit a voyagé, un bar congolais des plus crasseux, nous est ici contée par l'un de ses clients les plus assidus, Verre Cassé, à qui le patron a confié le soin d'en faire le geste en immortalisant dans un cahier de fortune les prouesses étonnantes de la troupe d'éclopés fantastiques qui le fréquentent. Dans cette farce métaphysique où le sublime se mêle au grotesque, Alain Mabanckou nous donne à voir grâce à la langue rythmée et au talent d'ironiste qui le distinguent dans la jeune génération d'écrivains africains, loin des tableaux ethniques de circonstance, un portrait vivant et savoureux d'une autre réalité africaine.
Mon avis :
Je ne suis pas mécontent d'avoir lu ce livre, mais je ne peux pas dire que je l'aie beaucoup aimé. Je ne suis pas mécontent de l'avoir lu parce que le projet de l'auteur est très intéressant : l'idée d'un texte écrit par un type tel que Verre cassé, un pilier de bar qui couche par écrit les souvenirs des clients puis les siens propres ; l'idée, aussi, d'un livre travaillant sur la vie quotidienne de gens pauvres et peu cultivés à qui il arrive pas mal de misères, et du coup sur la langue qui va avec ; et l'idée d'un livre sans points, dont les chapitres commencent et se terminent brutalement, et qui fait l'effet d'une longue litanie d'ivrogne à demi-lucide.
Cela étant dit, je ne suis pas entièrement convaincu par le résultat, pour plusieurs raisons. D'abord parce que, par endroits, j'ai vraiment l'impression que l'auteur en rajoute dans le crasseux et le dégueu gratuitement. Imaginer un univers "sale", d'accord, l'élever au rang d'esthétique, mettons, mais dans ce cas il aurait fallu pousser encore plus loin, parce que là on a quand même l'impression que ça prétend être réaliste alors que c'est déjà trop, sans être "suffisamment trop" pour passer dans le grotesque franc.
Ensuite, l'auteur passe son temps à caser des mots, des expressions ou des phrases qui constituent des références culturelles, généralement littéraires ou parfois politiques. On a presque l'impression d'un collage à certains moments. Sauf que je n'ai pas toujours bien compris l'intérêt d'un pareil procédé : souvent, ça m'a paru gratuit et vaguement prétentieux, motivé par l'envie d'un étalage de culture de surface ou par l'idée qu'un texte qui contient plein de références intertextuelles serait forcément meilleur. En plus, ça ne colle que moyennement bien avec la personnalité du narrateur.
Enfin, je n'ai pas toujours apprécié l'univers et les personnages du roman, mais cette fois à titre franchement personnel : c'est parfois simplement trop glauque pour moi, et certains personnages sont insupportables. Je ne doute pas que ce soit une réussite littéraire d'arriver à les mettre en scène de façon si crédible, et je suis certain qu'il doit exister des types pareils, c'est juste qu'au bout d'un moment j'en avais marre de lire les voix de types incultes, machistes, homophobes, voire racistes et tout ce qu'on veut, juste parce que c'est un roman qui se veut réaliste sur des piliers de bar pas reluisants de la brousse congolaise.
Malgré ces réserves, je dois dire quand même que j'ai apprécié en partie l'univers du roman et certains personnages, dont Verre cassé lui-même, dont on apprend peu à peu le passé et la personnalité. Un type complexe, partagé entre un élan vers plein de choses (la culture, l'amour, la curiosité, la poésie, etc.) et un mélange d'alcoolisme, de deuil et de manque d'estime de soi qui le plombe. D'autres personnages sont bien intéressants.
La seconde moitié du roman m'a paru aussi plus aboutie et plus émouvante (en partie parce qu'on entend beaucoup plus parler de Verre cassé et que sa personnalité est plus fouillée que certains autres personnages plus caricaturaux). |
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